Après le confinement, la prise en compte de ses besoins

Nous sommes dans la période de l’après-confinement. Le covid_19 n’a pas disparu mais peu à peu les personnes sortent et reprennent leur(s) activité(s). Pour autant, le confinement a eu des effets et a laissé des traces évidentes : fatigue, anxiété, souffrance, incertitudes sur l’avenir, etc. Peu de personnes s’autorisent en ce moment à verbaliser leur mal-être voir même simplement à le reconnaître.

Je n’ai jamais professionnellement complètement été à l’arrêt pendant le confinement. Lorsque j’ai décidé de reprendre mon activité au cabinet, j’ai entendu plusieurs fois, avant de rouvrir les consultations, « tu vas voir tu vas être submergée d’appels avec tout ce qui se passe / ce qui s’est passé ». Pour l’instant, cela n’est pas le cas. Je ne suis pas « submergée » d’appels. En revanche, j’entends en consultations, lors des prises de rendez-vous des nouveaux patients et dans les conversations, des propos qui me préoccupent.

Pendant toute la durée du confinement, même un peu avant déjà, l’espace public a été saturé de rhétoriques guerrières et héroïques : ligne de front, 1ère ligne, combat, être en guerre, les héros et héroïnes qu’étaient les soignants et les personnels de santé, etc. Je ne vais pas revenir sur la questions de tous ces personnels qui ont fait preuve de tant de courage, d’abnégation et de professionnalisme. Ils ont fait face de manière admirable. Tout comme nous ne pouvons que remercier toutes les personnes qui ont continué d’être à leurs postes, en grand nombre, pour nous permettre de continuer à vivre même en confinement. Et nous pouvons nous remercier collectivement d’avoir aidé à ce que la situation ne dégénère pas davantage. Pour autant nous n’étions pas « en guerre » mais « en soins ». Appeler héros et héroïnes les personnels de santé, c’est leur mettre sur les épaules la charge du sacrifice jusqu’à la mort et c’est leur enlever le droit de parler, de demander du matériel, d’être à bout, tristes, en colère, découragés, de vouloir arrêter et de vouloir avoir les moyens de travailler. Ça ne se plaint pas les héros, ça ne demande pas d’argent, ça ne conteste pas les décisions.

Pourquoi est-ce que je vous parle de ceci, comme tant d’autres l’ont fait avant moi? Parce que j’entends de plus en plus des personnes qui me disent « de quoi je me plains, je n’ai rien fait pendant le confinement, moi ». Ces personnes ne s’autorisent pas à reconnaitre qu’elles ne vont pas bien, qu’elles souffrent et qu’elles ont besoin d’aide car elles ne parviennent pas à considérer cela comme légitime. Elles ont tellement entendu pendant des semaines toutes ces rhétoriques qu’elles en viennent à avoir honte ou à se sentir coupables de ne pas être bien, de ne pas « faire face ». Je trouve cela inquiétant parce que cela veut dire que beaucoup de personnes en ce moment sont en difficultés et ne font pas la démarche pour venir nous voir dans nos consultations car elles ne sentent pas autorisées à le faire : « je suis qui pour me plaindre? Je n’étais pas en première ligne. Je suis juste resté.e chez moi ».

Le covid_19 et le confinement ont eu et ont encore des effets sur tout le monde. Je me faisais la remarque que certains signes cliniques liés au confinement étaient communs à ceux du burn-out : fatigue, irritabilité, difficulté à fixer son attention, processus de mémorisation moins performants, altération du sommeil, augmentation des consommations de tabac / alcool / médicaments /etc. , changement dans les conduites alimentaires,… Rester chez soi était être utile à la société puisque cela a permis d’enrayer la progression du virus et de limiter les dégâts. Rester chez soi était aussi pour les parents l’obligation d’assurer l’école en lien avec les enseignants. Rester à la maison était aussi travailler de chez soi, dans des conditions plus ou moins heureuses. Rester chez soi était une mesure de prévention. Rester chez soi cela ne voulait pas dire ne rien faire. Avoir été et être encore affecté.e par ce qui se passe est compréhensible et normal. S’autoriser à le reconnaitre et à entreprendre une démarche thérapeutique afin d’évoluer vers du mieux est une manière de prendre soin de soi.

Ma plus grande crainte aujourd’hui est que les personnes qui ont besoin de se faire aider vont se retenir de le faire autant qu’elles le peuvent. Elles ne décrocheront leur téléphone que lorsqu’elles iront tellement mal qu’elles y seront poussées. Et certaines personnes ne s’en relèveront pas. Il n’y a ni honte, ni culpabilité, ni faiblesse ou que sais-je encore comme terme négatif, à vouloir se faire aider, à vouloir parler de ce qui se passe et y réfléchir dans un lieu thérapeutique, car cela ne va pas. Ce qui est, pour moi, difficilement acceptable est que des personnes ne se sentent pas « à la hauteur » de je ne sais quelles rhétoriques et qu’elles souffrent en silence, ne considérant pas leur ressenti comme légitime. Ceci, est préoccupant car c’est de leur santé dont il s’agit.

Pour dire les choses autrement : it’s okay not to be okay.